Chapitre 3
PARENTHÈSE
UN CAS DE DÉDOUBLEMENT PAR ANESTHÉSIE
AVEC VÉRIFICATION OBJECTIVE
Puisque j'en suis à raconter mes expériences psychiques les plus
anciennes, qui remontent à une époque où je ne savais même pas que ces
sciences existaient, j'en raconterai une autre qui s'est passée quelques
mois avant celle que je viens de décrire, à douze ans également.
J'ai été opéré d'une façon complètement inutile et j'estime même d'une
façon qui me fut grandement nuisible. Mais mon père était toujours à plat
ventre devant ce que racontaient les médecins et chirurgiens dans le
besoin.
En ce temps-là, les anesthésies se passaient à l'éther, ce qui donnait
l'horrible impression d'avoir la volonté forcée, une lutte douloureuse pour
ne pas perdre conscience. Cette opération s'était passée à l'heure où
j'aurais dû être en classe d'allemand.
La semaine suivante, j'étais déjà sur le banc de l'école. Le professeur, un
homme fort gentil et très dévoué pour ses élèves, pose une question.
Personne ne répond. Or, cette fois-là, bien qu'étant un cancre,
spécialement pour tout ce qui était langue, je connaissais la réponse ! Mais
la timidité m'empêcha tout d'abord de la dire.
Le professeur insista pour toute la classe : "Mais enfin vous le savez bien,
je vous l'ai dit la semaine dernière ". Comme tous les camarades
continuaient à garder le silence, je levais timidement la main. Ma réponse
était bonne. Le professeur, stupéfait me dit : " Comment le saviez-vous,
vous étiez absent ce jour-là ? ", et toute la classe me regarda, très étonnée.
LE CHOC QUE CELA PROVOQUA CHEZ MOI, ME FIT
SUBITEMENT ME SOUVENIR QU'EN M'ENDORMANT SOUS
L'ANESTHÉSIE, J'AVAIS EU L'IMPRESSION D'ÊTRE EN CLASSE
D'ALLEMAND, ET D'ASSISTER AU COURS, NON PAS COMME
DANS UN RÊVE, MAIS COMME SI J'Y ÉTAIS POUR DE BON.
Mais à cet âge, je ne m'attardai pas à réfléchir sur l'incident, n'ayant, à
l'époque, jamais entendu parler de cas de ce genre. On sait maintenant
que, sous l'effet des anesthésiques, ils ne sont pas rares.